La peteca en classe de 6ème

Publié le par CLAPS

 

UNE A.P.S. RÉVÉLATRICE D'UNE CONCEPTION DE L'E.P.S.

LA PÉTÉCA

par

Olivier Combacau

Professeur agrégé d'E.P.S.

au collège « Frédéric-Chopin » d'Aigurande (Indre)

 

Introduction

 

Notre hypothèse de départ est que les programmes d'E.P.S.1 induisent une conception

particulière de cette discipline. Cette conception que nous nous proposons d'illustrer à travers

la pratique d'une A.P.S. « exotique » nous semble être particulièrement centrée sur l'élève et

sur sa manière d'apprendre.

Les compétences générales (en collège) ou méthodologiques (en lycée) supposent un élève

acteur de ses apprentissages et conscient de la manière dont il développe ceux-ci. Nous allons

tout d'abord présenter sommairement l'A.P.S. « pétéca » avant d'établir quelle conception de

l'E.P.S. elle peut conduire à mettre en évidence. Pour finir, nous justifierons notre choix de

présenter cette activité en classe de sixième.

 

 

La pétéca, une activité nouvelle et ludique

 

Il s'agit d'un sport traditionnel pratiqué en Amérique du Sud et en Asie. La pétéca

est une base en caoutchouc surplombée de quatre plumes. Elle est légère et peu

coûteuse2. Ce sport est codifié par des règles précises que nous adapterons pour

notre cycle3. Nous pratiquerons sur des terrains de volley-ball que nous diviserons

à notre gré, certaines séances pouvant se faire sur des terrains de badminton. Les

trajectoires étant lentes, les relations entre l'engin et les élèves sont résolues assez

rapidement de sorte que le renvoi de la pétéca de l'autre côté du filet ne constitue

 

 

vite plus un problème. Il s'effectue avec la paume des deux mains, les revers étant difficiles à

effectuer, mais aussi avec les pieds, la tête... L'objectif est de faire toucher la pétéca par terre

dans le camp adverse ou que l'adversaire la renvoie hors des limites du terrain.

 

 

1 « Programme d'E.P.S. de la classe de sixième des collèges », Bulletin officiel, n° 29, 18 juillet 1996 et « Programme

d'E.P.S. de la classe de seconde », Bulletin officiel, hors série n° 6, 31 août 2000.

2 Environ 5 euros dans les catalogues de vente par correspondance spécialisée dans le sport sous le nom, parfois,

d'« indiaka ».

3 Voir à ce sujet Jean-François Impinna, « Pétéca : s'initier rapidement » dans Revue EP.S, n° 284, 2000, p. 50-51.

© Olivier Combacau et C.R.D.P. du Centre/C.D.D.P. de l'Indre – Juin 2002

 

 

 

 

 

Au service de quelle conception de l'E.P.S. ?

 

L'E.P.S. au collège se doit de poursuivre trois finalités4. Selon Delignières et

Garsault5, les deux premières finalités sont relativement anciennes (Instructions

officielles de 1967) et s'actualisent sans grande difficulté dans les pratiques

pédagogiques des enseignants ; la troisième, visant « l'accès aux connaissances

relatives à l'organisation et à l'entretien de la vie physique6 », incarne sans doute

l'ambition permanente de faire plus, en E.P.S., que d'organiser la pratique

d'A.P.S.E. La conception que nous allons développer permet de lier tous les

apprentissages des élèves afin d'être cohérent par rapport à ce qu'est, pour nous, un élève

physiquement éduqué, c'est-à-dire un élève capable de s'informer pour décider et s'investir

dans une A.P.S.E. en fonction de ses qualités physiques et de son état de forme, ce qui

implique l'atteinte des trois finalités dévolues à cette discipline.

Le nouveau défi de l'enseignant sera de conduire les élèves à « apprendre à apprendre en

apprenant7 ». Selon Philippe Meirieu, apprendre, c'est :

- avoir un projet

- mettre en oeuvre l'opération intellectuelle requise par l'objectif (« invariants

structurels ») ;

- utiliser les procédures personnelles les plus efficaces pour soi (« variable sujet »).

Pour Jean Berbaum8, il existe quatre composants présents dans tous les apprentissages :

- l'apprenant ;

- l'objet d'apprentissage ;

- la situation, caractérisée par les circonstances ;

- l'environnement.

Nous pouvons penser que ces quatre composants sont présents à l'école quand l'élève

apprend mais aussi plus tard, quand il est adulte et qu'il se retrouve face à une activité

physique qu'il n'a jamais pratiquée. S'il possède une méthode d'apprentissage, il saura

s'adapter à cette nouvelle situation, ce qui peut être considéré comme participant à la gestion

de sa vie physique.

Comment aider l'élève ? Selon Jean Berbaum, en lui faisant prendre conscience

« qu'apprendre, c'est ajuster un comportement à une situation9 » ; il précise en outre que

développer la capacité d'apprendre « suppose une prise de conscience de ses attitudes et de sa

manière d'apprendre qui se ramène à la conception d'un projet et à sa réalisation,

accompagnées des ajustements successifs nécessaires. Cela suppose une conscience des

résultats obtenus ». Nous voyons bien ici le parallèle avec les compétences générales et

méthodologiques. Jean Berbaum ajoute qu'« une situation qui facilite un apprentissage, c'est

une situation qui ne se contente pas de faire mais qui explicite, analyse ce que l'on fait pour

parvenir au résultat recherché (...) Si l'on explicite le projet, si l'on précise les objectifs et la

 

 

démarche adoptée, les apprenants pourront se situer par rapport aux propositions qui leur sont

faites et saisiront progressivement en quoi consiste le fait d'apprendre10 ».

Peut-être contribuons-nous à entretenir l'amalgame entre « apprendre » et « apprendre à

apprendre » mais nous pensons que, lorsqu'on sait comment on apprend, on est susceptible de

mieux apprendre et donc d'avoir appris à apprendre. Pour résumer, nous pouvons extraire de

cette analyse d'une partie de la littérature pédagogique concernant l'aide méthodologique deux

grands principes que nous essaierons de transmettre aux élèves dans nos cours :

- avoir un projet conscient et se réguler par rapport à lui ;

- rechercher les effets de l'action me permettant d'évaluer ma prestation et donc de la

modifier.

 

 

4 « Programme d'E.P.S. de la classe de sixième des collèges », art. cit.

5 Delignières et Garsault, « Ojectifs et contenus de l'E.P.S. », dans Revue EP.S, n° 242, 1993.

6 « Programme d'E.P.S. de la classe de sixième des collèges », art. cit.

7 Philippe Meirieu, Enseigner, scénario pour un nouveau métier, E.S.F., Paris, 1989.

8 Jean Berbaum, Développer la capacité d'apprendre, E.S.F., Paris, 1991.

 

 

9 Ibid.

© Olivier Combacau et C.R.D.P. du Centre/C.D.D.P. de l'Indre – Juin 2002

 

 

Pourquoi et comment cette A.P.S. en classe de sixième ?

 

La pétéca correspond bien aux motivations des élèves de sixième ; en effet, elle

permet un grand nombre de formes jouées où le plaisir est omniprésent. De plus,

les trajectoires lentes de l'engin permettent une lecture assez simple ainsi qu'une

prise en compte du contexte constitué par le terrain, le (ou les) adversaire, le (ou

les) partenaire. Par ailleurs, les élèves, n'ayant jamais pratiqué cette A.P.S.,

débutent avec un niveau égal, ce qui permet de bousculer un peu leurs certitudes

(« je suis le meilleur au football ! »). Tous les élèves progressent – même les

moins doués – ce qui permet d'entretenir une motivation forte tout au long du cycle.

Les élèves commencent à jouer en « un-contre-un » avec pour objectif de faire le plus

grand nombre d'échanges. Les problèmes posés par le renvoi de l'engin étant vite dépassés,

nous insistons ensuite sur le changement des trajectoires par rapport à un nouvel objectif :

marquer des points. Les élèves verbalisent alors ce changement : « pour faire le plus grand

nombre d'échanges, comment étaient les trajectoires ? Pourquoi ? Maintenant, on veut

marquer des points : comment seront les trajectoires ? Pourquoi ? ».

Les élèves parviennent à comprendre qu'il faut priver l'adversaire de temps pour qu'il ne

puisse pas renvoyer l'engin. La question est alors : « comment arriver à le priver de temps ? »

Ils répondent qu'il faut le faire bouger et « jouer » sur les trajectoires. Nous pouvons aussi

pratiquer cette activité sur des terrains de badminton et, après un moment de mise en situation,

questionner les élèves : « qu'est-ce qui a changé ? Vous êtes-vous adaptés à ce changement de

hauteur du filet et comment ? » Les élèves s'habituent ainsi à prendre en compte le contexte et

ses caractéristiques dans leur façon de jouer.

Nous évoluons ainsi vers le jeu à « deux-contre-deux », d'abord sans faire de passes puis en

les autorisant dans l'équipe (ce que le règlement de pétéca ne permet pas11...). Les élèves

verbalisent alors la nouvelle problématique, à savoir se donner du temps dans l'équipe pour en

priver les adversaires. Les attaques sont rapidement construites avec une à deux passes avant

le renvoi car la nécessité s'en fait sentir. Au fil du cycle, un grand nombre de situations jouées

- mettant en oeuvre l'imagination du professeur - peuvent être proposées (jeux à thèmes, avec

des cibles au sol, etc.).

Ce cycle permet d'aborder une compétence quasi générale, à savoir la problématique du

temps. Celle-ci se retrouve en volley-ball – où les problèmes de renvoi du ballon seront plus

faciles à gérer, les élèves ayant en tête le projet de se donner du temps pour être efficaces –

mais aussi en badminton ou dans tous les sports collectifs – priver le défenseur de temps dans

un « deux-contre-un » en s'éloignant l'un de l'autre ou faire du « recul-frein » en football, par

 

 

exemple, afin de gagner du temps sur les attaquants et de permettre à mon équipe de venir

m'aider ou de se replacer). Par ailleurs, il permet de sensibiliser les élèves à notre façon de

travailler en E.P.S. au collège et, ainsi, de montrer une certaine cohérence entre les différents

cycles d'A.P.S.E. : « Qu'avons-nous vu dans telle A.P.S. qui peut servir dans cette

nouvelle ? » ; « Quel est l'objectif et le contexte de cette situation ? Comment en tirer parti ? À

quelle autre situation ou A.P.S. cela vous fait-il penser ? »

 

10 Ibid.

11 Cf Jean-François Impinna, « Pétéca : s'initier rapidement », art. cit.

© Olivier Combacau et C.R.D.P. du Centre/C.D.D.P. de l'Indre – Juin 2002

 

 

Conclusion

 

Cette conception met, nous l'avons vu, l'accent sur la troisième finalité de l'E.P.S. sans pour

autant délaisser les deux autres. Elle nous paraît en accord avec le souci d'interdisciplinarité

(« itinéraires de découverte », « travaux croisés », « travaux personnels encadrés »...) et de

lutte contre l'échec scolaire tant la méthodologie semble faire la différence entre un bon élève

et un moins bon.

Donner aux élèves les moyens d'apprendre en leur faisant prendre en compte non

seulement le contexte et les effets de leurs actions mais aussi leurs qualités propres (se

connaître) nous semble être une contribution importante de l'E.P.S. à la lutte contre cet échec.

Un élève physiquement éduqué peut-il ignorer ces qualités et d'autres, plus spécifiques, que

nous ne traiterons pas ici ?

Cette mise en oeuvre de l'E.P.S. à travers une activité nouvelle et particulièrement ludique

nous semble répondre aux impératifs des textes officiels qui différencient les compétences

spécifiques, propres et générales (en collège) ou culturelles et méthodologiques (en lycée),

sans pour autant devenir abstraite et théorique et tout en laissant une grande place à la

pratique.

N. B : Pour divers renseignements sur la pétéca, on peut consulter le site web de la Fédération

de pétéca :

 

 

 

 http://www.federationdepeteca.com

 

© Olivier Combacau et C.R.D.P. du Centre/C.D.D.P. de l'Indre – Juin 2002

Publié dans Fiches pédagogiques

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